L’histoire se déroule en Australie. Depuis plus de 20 ans, Peter, un cuisinier de talent fait gratuitement de bons petits plats chez un ami qui organise une fête pour ses clients. Cette année encore, Peter se rend avec tout son matériel chez son ami, pour participer à cette grande fête et préparer de succulents petits plats comme il sait si bien le faire. Il est chef pour un grand restaurant et représente fièrement ses employeurs.
Sauf que cette année, son ami, a décidé de changer les règles du jeu. Son pote cuisinier peut toujours lui faire de bons petits plats, mais ces derniers ne pourront plus être servis à d’autres clients. Il veut lui faire signer une charte lui interdisant de vendre les plats concoctés pendant ce dîner à d’autres donc, mais Peter doit aussi autoriser son ami à utiliser comme bon lui semble ses propres plats. Sans compensation financière aucune. Enfin, le pauvre cuisinier n’a même plus le droit de dire qu’il a créé les plats servis. Ils seront désormais au nom de son ami qui, décidément, ne lui veut pas que du bien.
L’histoire ne s’arrête pas là. Si Peter ne signe pas, il ne pourra plus assister à la fête comme il le fait chaque année. En somme, soit il vient faire des tonnes de bons plats gratuitement sans pouvoir toucher un seul centime pour son labeur et son talent et perd tout soupçon de reconnaissance, soit il fait la fête seul de l’extérieur.
La question est : quel ami autoriseriez-vous à se comporter d’une telle façon envers vous ? Seriez-vous prêt à travailler gratuitement pour lui après un tel chantage ?
Je suis sûr d’une chose, ça m’étonnerait fortement qu’en lisant ce texte vous soyez d’accord avec le principe de cette charte. Imaginez-vous au travail, demain matin, avec un tel document posé sur votre bureau ? Surtout si on vous laisse comme seuls choix de bosser gratuitement ou de tester la réactivité du service de sécurité ? Pas de quoi vous arrachez un sourire pas vrai ?
Et bien sachez que cette histoire est bien réelle, bien sûr vous l’aurez compris notre ami n’est pas cuisinier mais bel et bien photographe : Peter « joli » Wilson. Et son ami, qui n’en est plus un d’ailleurs, c’est l’ASP (Association of Surfing Professionals) : l’organisme qui gère les grandes compétitions mondiales de surf chaque année.
L’ASP a changé de tête récemment avec son lot de bonnes et moins bonnes idées. Assurément celle-ci en est une très mauvaise. L’ASP en voulant contrôler totalement l’image du surf mondial, n’hésite pas à proposer un marché inacceptable aux photographes : cession totale des droits d’auteur sur les photos prises durant la compétition.
Pourtant et malheureusement, il y a eu quelques signataires…
La jeune et jolie surfeuse Manon Cavallini –L’année surf débute tout juste et pour le moment le « souci » est bien loin de nous : sur le sable des plages australiennes. Qu’adviendra t-il de ce règlement quand la compétition frappera aux portes de l’Europe, avec les étapes incontournables du Sud-Ouest de la France ? Les journalistes et photographes accepteront-ils cette charte ? A priori ça sera plus compliqué à faire avaler chez nous. Cela dit, rien n’est impossible vu l’état de la presse. Mais l’exemple australien doit nous servir pour combattre cette charte et ses pratiques douteuses qui fleuriront peut-être dans d’autres disciplines sportives à l’avenir…
Quant à moi, qui participe depuis quelques années en tant qu’accrédité officiel à ces petites fêtes, pensez-vous que je pourrais accepter un tel chantage ? Je devance votre réponse.
Ce sera un NON catégorique, pas question que l’on me dépouille de mes photos et encore moins de mes droits d’auteur. Je préfère encore ne pas être de la fête, même si ça ne serait pas avec plaisir, loin de là…
Rendez-vous en septembre à Hossegor !!! Ou pas…
Plus d’infos ici : http://www.surfsession.com/2014/03/06/droits-photos-lasp-revoit-legerement-sa-copie/
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[…] L’ASP dénigre le travail des photographes de surf : la réflexion du photographe sportif Mikaël Bonnami […]
Je trouve votre petite histoire tres bien choisie. Parlant directement du probleme, ca n’aurait pas eu le meme impact.
C’est ahurissant de constater que l’essence meme de la distribution mediatique de ce sport ait aussi peu de reconnaissance. Je suis dans le meme domaine, et chaque jour je dois repondre a des demandes charitables de tv and web qui veulent nos images mais n’ont pas de budget. Ils parlent d’echange donnant un credit a la fin du clip ou sur les images lors de la diffusion. Cet usage est illimite et peut etre revendu et modifie, sans royalty. Et pour faire les choses bien, nous sommes dans l’obligation de certifier que nous avons tous les droits sur les images et ne bafouons pas les droits d’une tierce personne! sous peine de poursuite judiciare. Si seulement un credit payer les factures….
Je ne cautionne pas non plus les médias qui pas fainéantise ou par manque de volonté veulent juste se servir de photos libres de droit (ce qui en France n’existe pas je le répète) pour alimenter leurs articles.
Il suffit de voir le nombre de médias qui se contentent bêtement de faire des copié collé des dépêche de l’AFP…
Mais ce qui vous arrive c’est la même chose pour les photographes finalement, on leur demande du moins cher voire du gratuit en échange d’un crédit qui de toute manière est obligatoire de par la loi…
Et bientôt on ne pourra plus photographier des personnages publics sans leur autorisation autre que dûment écrite (et si possible manuscrite).
Moi, j’ai une soluce : acheter un 800, monter au haut des falaises qui surplombent les plages et shooter sans rien demander. Bon OK il y a aura une prise en plongée. Tiens d’ailleurs, à partir d’un ULM t’as déjà essayé ?
De toute manière il sera à priori toujours possible de procéder ainsi en dehors de toute accréditation si la législation le permet. Le photographe australien procède ainsi, même si il a eu à faire à la sécurité du site.
Sinon je n’ai jamais testé depuis un ULM mais pas sûr que l’expérience me tente beaucoup. lol
Pour en revenir à l’ASP, ils interdisent aussi les drones désormais alors qu’ils fleurissent de plus en plus dans le milieu du surf pour filmer et photographier.
Que cela devient bien triste !!!
Tu as bien raison de dire NON en espérant de ne pas en arrivé là !!
Bon courage pour la suite.
Je l’espère aussi. 😉
Bonjour,
Bravo de refuser ce genre d’ultimatum. Depuis quelques années, la presse va mal, mais si elle va si mal, c’est en aussi à cause de la faiblesse de la défense, les pigistes (photo et rédacteurs) qui se sont laissés totalement abuser par l’épée de Damoclès pointée sur eux. La menace s’est amplifiée depuis quelques années, profitant de nos manques de protection et de la précarité grandissante, les employeurs ne se sont plus gênés. « Si tu ne travailles pas pour moins cher, tu ne travailleras plus du tout ! » Mais voici encore un autre pas franchi : que les organismes qui jusque-là nous aidaient à bosser nous en empêche, voilà qui va devenir très problématique. C’est pourquoi, j’invite tout ceux qui ont en assez de cette déculottée permanente à dire un grand NON, comme vous, à ce genre de pratiques. Nous avons des droits, faisons les respecter !
Je n’ai pas encore eu l’occasion de refuser personnelement, mais si en septembre le cas se présente ce sera un NON catégorique effectivement. Et vous avez tout à fait raison dans votre analyse, c’est petit à petit que certains droits se font grignoter jusqu’à l’assaut final quitte à revenir un poil en arrière.
Merci à vous. 😉