Après un premier opus qui vous a plu, je remets ça avec un nouvel épisode de « Une photo, une histoire ».
Celui qui était vert d’orage
Juillet 2009, je passe mes vacances dans un endroit que j’affectionne particulièrement : les Pyrénées et plus précisément les Hautes-Pyrénées. Je n’y suis pas pour la photo mais pour me ressourcer et profiter de cette merveilleuse région. La randonnée et les visites du riche patrimoine local seront mon quotidien.
Je n’ai pas pour autant laissé mon matériel photo en Gironde et je compte bien l’utiliser de temps à autre pour tenter de ramener de beaux clichés sans sacrifier mes vacances à la photo car je ne pars pas seul, ceci explique cela…
Au commencement de chacun de mes séjours, il y a une randonnée que je pratique une ou deux fois pour me mettre en jambe. Elle est somme toute assez abordable et surplombe le village où je loge. Comme je connais bien le parcours, je sais aussi ce que je peux y voir.
Équipé de mon sac photo et de mon bâton de marche, je me lance à l’assaut de la montagne. Le point de départ est à environ 800m d’altitude et je compte atteindre les 1400m, voire un peu plus. Le beau temps est présent même si d’énormes nuages blancs viennent cacher le soleil de temps à autre et rafraîchir la température. De plus, le vent est soutenu mais rien d’inhabituel en montagne.
Le début de la randonnée est éprouvant, le gros du dénivelé se joue sur les premières centaines de mètres : on regarde moins le paysage que ses pieds et où poser le bâton. Une fois un premier palier atteint, au cours d’une pause, je me retourne enfin pour admirer le paysage. Les nuages blancs se sont transformés en nuages gris et l’impression de beau temps se dissipe…
Mais je suis venu pour randonner et les nuages ne m’empêchent pas de marcher, je poursuis donc ma route en direction du sommet. Avec l’altitude, le vent prend de l’ampleur, il dissipe en partie la sensation de chaleur due à l’effort et je trouve ça très agréable.
Tout à coup, un cri strident me glace le sang et me soustrait à mon fugace bien-être. Ma compagne est stoppée en plein milieu du chemin une dizaine de mètres plus bas. J’essaye d’analyser rapidement la situation. Visiblement rien, pourtant elle me fait signe de venir. Pas question de redescendre pour rien, surtout avec le poids du matériel donc je lui demande ce qu’il se passe. Elle me répond et évidemment avec le vent je n’entends rien. Je vais devoir redescendre… Damned !
La chaleur de l’agacement complète vite celle de l’effort et le vent ne peut plus rien pour moi. Je croise les doigts pour ne pas faire ce long chemin de quelques mètres pour la protéger d’une araignée géante d’environ trois millimètres posée innocemment sur sa toile … Arrivé à sa hauteur, elle me chuchote de regarder quelque chose à sa droite. Mon agacement visible laisse place à l’interrogation, après tout elle me veut quoi à la fin !
En fait, elle me montre un énorme papillon posé sur quelques brins d’herbe à deux ou trois mètres de nous. Je me sens tout bête et me demande comment j’ai fait pour ne pas le voir lors de mon passage. Et encore plus maintenant qu’il est devant moi et visible comme le nez au milieu de la figure…
Je dégaine mon boîtier et mon objectif macro. Enfin en pensée, parce qu’en réalité j’ai plutôt l’impression de mettre deux heures pour sortir maladroitement mon matériel du sac à dos. La peur de voir le papillon s’envoler avant que je puisse l’approcher se fait présente et pesante. Miracle ! Le papillon est toujours là, mon objectif est sur sa monture et je commence la délicate approche.
Le vent souffle fort et ça va me compliquer la tâche. Mais le papillon semble calme et se laisse approcher. Il s’accroche à son brin d’herbe comme moi à mon précieux boîtier Nikon. A quatre pattes dans l’herbe, je réalise le premier cliché. Ouf ! J’en tiens au moins un, maintenant c’est que du bénéfice. Je me rapproche à une dizaine de centimètres de mon sujet quasi à plat ventre. Il m’est difficile de gérer l’excitation de cette rencontre et l’envie de faire de bonnes photos tout en prenant soin de ne pas faire fuir ce magnifique papillon.
Je commence à fatiguer dans ma position peu confortable et un peu ridicule. Je décide d’approcher le docile papillon d’encore plus près. Je me positionne de manière à n’avoir qu’une partie du papillon dans le cadre. Le but est de mettre en valeur la tête du papillon, son œil noir et sa trompe telle un rouleau de réglisse, le tout sur un joli fond vert. Le ciel couvert diffuse une lumière douce qui favorise le rendu de ces belles couleurs. J’attends que le vent me laisse une ouverture et je fais une rafale de trois photos pour assurer le coup.
Je regarde mon écran, une des photos semble nette. Comme je n’en peux plus d’être dans cette position et que j’ai obtenu le résultat recherché, il est temps de reprendre la route et d’arrêter d’embêter ce papillon qui était bien tranquille avant mon arrivée. Je reprends la grimpette, le temps est maintenant plutôt mauvais. Quelques centaines de mètres plus haut, les nuages sont carrément menaçants. La pluie est visible au loin, mieux vaut renoncer à poursuivre. La retour se fait rapidement, mais pas assez pour éviter la forte pluie…
Pendant la descente précipitée, je reconnais l’endroit de ma rencontre avec le papillon : il n’est plus là. Je me demande où il peut être et comment il fait pour se protéger de la pluie et si au moins il le peut. Peut-être qu’il se reposait avant d’affronter les éléments naturels qui font son quotidien. Je ne le saurai jamais. Ce qui est sûr, c’est qu’on a fini la randonnée trempés jusqu’au os et lassés par quelques frayeurs sur des rochers glissants.
Une fois au chaud dans l’appartement, le son de l’orage se fait entendre. A peu de choses près j’aurais pu ne jamais faire de photos de ce papillon. Il en reste ce petit bout de vie qui revient à mes bons souvenirs lorsque je regarde la photo du machaon* accrochée sur le mur de mon salon.
Quelle belle rencontre!
Il suffit parfois d’un papillon posé sur un brin d’herbe qui pose pour le bonheur du photographe pour voir le monde autrement…
Merci de nous avoir fait participer à ce moment de bonheur
Amicalement
Jean-Claude et Edith
Parfois en essayant de faire plus attention aux choses on peut faire de belles rencontres. J’ai failli rater celle-ci bêtement d’ailleurs…
Merci pour le commentaire. 😉
j’ai eu aussi de très belles rencontres en montagne avec quelques photos, mais pas d’aussi belles macro, il est superbe et en plus j’avoue qu’il pause bien. Merci pour ce récit! J’ai beaucoup aimé.
Merci d’avoir pris du temps pour lire ce long article. 😉 Tu t’en sors avec l’appareil ?