Celui qui était déjà là
Les Pyrénées en version 2013, c’est de la neige, de la neige et surtout de la neige. Ces montagnes, frontière naturelle entre la France et l’Espagne, donnent même des complexes à leurs cousines des Alpes.
Ayant eu la chance et le luxe de pouvoir prendre quelques jours de vacances fin janvier, j’ai pu vivre sur place les nombreuses chutes de neige. Et pour profiter de ces paysages blancs et débordant de neige, quoi de mieux qu’une sortie en raquettes.
J’ai pu baptiser mes raquettes sur des chemins de randonnées que je connais assez bien, pour les parcourir depuis plusieurs années au printemps, en été ou à l’automne.
Comme il est inutile de prendre des risques sur des pentes raides en raison du risque fort d’avalanche, moi et ma moitié (ben ouais j’suis deux fois plus grand) on a choisi une randonnée avec un dénivelé modéré et une difficulté largement à notre portée. Du moins on le croyait…
Une des joies que procurent les chutes de neige c’est de rendre les routes impraticables. La rando commence donc en bas de l’immeuble. Chargés comme des mulets, on se dirige en direction du col que l’on aperçoit au loin depuis Arreau, notre village de résidence. Quelques dizaines de minutes et kilomètres plus tard on atteint enfin le petit hameau du village voisin où débute le sentier de randonnée au menu du jour.
Ici il y a un certain nombre de chiens en totale liberté, la plupart sont absolument affectueux, mais parfois y a quelques mauvaises têtes. Des expériences passées nous rendent plutôt méfiants à l’approche des canidés. Soudain, un Border Collie déboule à toute vitesse derrière nous et rompt notre tentative de traversée du hameau en toute discrétion.
Il est affectueux et c’est tant mieux : se faire mordre les chevilles avant de débuter une rando c’est un peu ballot. Depuis notre première rencontre il y a quelques années avec un Border Collie qui nous avait suivi sur de nombreux kilomètres au cours d’une randonnée, on s’est pris d’affection pour ces bestioles remarquables et attachantes.
Du coup, notre compagnon que l’on appellera de façon originale « hé le chien » nous suit sur les premiers mètres de dénivelé. L’épaisseur n’est que de 10 cm de neige, mais comme on ne projetait pas de buter notre nouveau copain, s’en suit une série de tentatives aussi ridicules qu’inefficaces pour le renvoyer vers son foyer.
Rien n’y fait, alors on accélère le pas avec nos belles raquettes toutes neuves. Là aussi c’est loupé puisqu’il est bien plus habile et rapide que nous dans la neige… Tant pis, on n’a pas le choix il va falloir faire avec lui.
Les lacets se suivent et se ressemblent et la neige se fait de plus en plus dense et l’effort se durcit. « Hé le chien » lui se porte à merveille. Il en profite même pour se jeter dans le vide et disparaitre sous nos yeux… Bon ok le dénivelé n’était pas si conséquent, mais on se prend vite d’amitié pour cette boule de poil.
En contrebas, il farfouille dans le sol et prend bien son temps. Enfin il se décide à remonter et tout ça pour nous ramener un bout de bois. Il serait pas un peu crétin ce chien, fût ma première pensée. Aller donne le ton bout de bois qu’on puisse continuer d’avancer ! Heu… les bouts de bois ils ont des sabots ? Ho non c’est pas un bout de bois… ! Le chien nous ramène une jambe de cerf ou de chevreuil, beurk ! En quelques secondes, le mignon Border Collie s’est transformé en sale bête assoiffée de sang qui démembre des cadavres. L’envie de lui faire des papouilles ou même des caresses se fait bien moins présente.
Ainsi continue la randonnée, moi, ma copine, « Hé le chien » et un dixième de cervidé mort. Le parcours est de plus en plus complexe, la hauteur de neige freine l’ascension. C’est dans ces moments là où l’on se demande bien pourquoi on a pris 10 Kg de matos photo sur son dos. Surtout pour louper la photo du chien avec une patte dans la gueule…
Bientôt le parcours deviendra vraiment trop compliqué, d’ailleurs le chien est lui aussi est en difficulté. On ne le voit presque plus dépasser de la poudreuse. Il est temps de renoncer et de ne pas chercher l’exploit, la montagne est déjà bien assez dangereuse pour prendre des risques inutiles. Cette fois-ci, pas de boucle comme on les affectionne, on rebrousse chemin. C’est plus prudent et au moins on est sûrs de ne pas se perdre comme sur l’une de nos précédentes randonnée…
Le retour est tout aussi difficile et à vrai dire éprouvant pour les organismes, on bénit le fait d’avoir su faire demi-tour au bon moment. Ha tiens c’est pas là que le chien a récupéré sa patte tout à l’heure ? D’ailleurs il est où encore celui-là ? Il est plus bas… en train d’arracher une seconde patte… C’est toujours aussi dégueu, mais cette fois je suis prêt à saisir ce moment, parce que c’est une photo insolite qu’on ne fait pas tous les jours non ?
Sauf que cet abruti de chien, sûrement de peur qu’on lui vole son os, coupe à travers la pente pour rejoindre la plaine enneigée plus bas. En plus, c’est une peur non justifiée parce que je n’avais pas encore assez faim pour en arriver là. Non seulement je loupe une photo mais en plus l’opportuniste à quatre pattes nous quitte sans même un au revoir…
Une fois dans le village, on quitte les raquettes pour finir notre escapade sur la longue route qui mène vers notre résidence. Soudain quelqu’un se lance à notre poursuite, des pas résonnent dans la petite ruelle. « Hé le chien » nous a retrouvé alors qu’on avait perdu sa trace plusieurs dizaines de minutes plus tôt. Mais il n’a plus sa patte fétiche.
Après de longues minutes de marche sur le bitume et quelques plaintes d’automobilistes, parce qu’on ne sait pas faire obéir notre chien qui traverse à tout va sur la route, on arrive enfin à Arreau. Encore quelques centaines de mètres pour atteindre notre résidence. D’ailleurs on n’a pas pris le supplément pour un animal de compagnie, que va-t-on faire de lui ? On ne sait même pas d’où il vient, ce qui est sûr c’est qu’il ne nous lâche plus.
Puis tout s’accélère d’un coup dans ma tête, devant nous il y a deux petites vieilles. Les chiens aiment les vieux parce qu’ils les caressent et leur donnent facilement à bouffer. Et les ptits vieux aiment les animaux parce qu’ils sont fidèles et leur ramènent leurs pantoufles. Faut tenter le coup, on fonce sur les vieilles ! Bingo ! Les deux mamies couvrent le chien de caresses et de compliments ce qui nous laisse quelques secondes pour fuir au travers d’une petite ruelle perpendiculaire.
Le coup est aussi splendide qu’efficace, seule la honte nous empêche de jubiler. Mais c’est ainsi que s’achève cette petite épopée en montagne. Enfin, pas vraiment…
Au retour des vacances, il est temps de trier les photos. Voir le chien ravive des bons souvenirs de notre séjour et de nos séjours passés. Et si… ? Non c’est impossible, ce serait vraiment énorme… J’ouvre mes archives, je cherche dans mes dossiers et je parcours des dizaines et des dizaines de photos… Bingo !
C’était bien lui, le Border Collie qui nous avait déjà accompagnés quelques années plus tôt sur une randonnée, nous laissant un super souvenir. Finalement c’est logique, c’était la même randonnée bien qu’on ne l’ait pas récupéré dans le même village.
Nous a-t-il reconnus ? Ça on le saura peut-être une prochaine fois, dans quelques mois ou années. En tout cas, j’ai pu saisir la photo d’un chien de montagne en pleine course dans la neige, ce qui paraissait improbable le jour du départ en vacances…!
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[…] Vous reconnaissez « Hey le chien » ? (mickaelbonnami.com/une-photo-une-histoire-celui-qui-etait-deja-la/) […]
Une belle histoire mais si c’est vraiment le même chien, il n’a pas beaucoup vieilli. C’est quoi son remède ? Ou alors sa descendance ?
De belles photos qui prouvent quand même que vous avez apprécié. Au fait les raquettes, c’est comment ?
Si si il a pris un coup de vieux le chien, c’est surtout au niveau de la tête que ça se voit. A sa démarche plus difficile aussi.
Les raquettes c’est génial, même si j’en ai bavé mine de rien. Mais je dirais que si tu marches sur de la neige jusqu’à 30cm d’épaisseur c’est comme si tu marches sur de l’herbe avec tes chaussures. Après avec de la neige plus épaisse ça devient plus fatiguant parce que tu t’enfonce plus. Sur cette rando, à la fin on en avait au-dessus des genoux et le chien faisait des bonds pour avancer. 🙂
Merci à toi. 😉
Une belle histoire de hé le chien et de belles photos de paysage et du chien.
Merci beaucoup. 😉
Elle est belle l’histoire de Hé le chien.C’est probablement le même que vous aviez croisé quelques années plus tôt.
Les chiens,ils ont de la mémoire!
Et puis,pas besoin d’être vieux pour aimer les chiens…
Bravo pour les photos,toujours aussi chouettes
Je suis sûr à 99% que c’est le même, mais je me demande toujours si ils nous as reconnu où si il suit tous les randonneurs de passage. En tout cas il semblait super content et faut voir la distance et l’endroit où il nous as suivi en plus…
Merci pour le commentaire ça fait toujours autant plaisir de savoir qu’on est lu. 😉
D’ailleurs avec le beau temps ça va être le moment de refaire une petite sortie photo à l’occasion. 😉
Une bien belle histoire. Et de bon souvenir… 🙂
Oui d’excellents souvenirs même et beaucoup de neige, à refaire sans faute. 😉
Merci d’avoir, encore une fois pris, le temps de lire ce long article. 😉