Qui a dit que la vie du photographe sportif était facile ?
Je vais partager avec vous un petit moment frustration, vécu dernièrement sur une compétition de premier plan : les Championnats de France d’Athlétisme.
Si des personnes se reconnaissent à la lecture de cet article… ben c’est sûrement parce que je parle de vous.
Rassurez-vous, cet article n’est pas à charge, c’est juste du partage d’expérience avec mes lecteurs. 😉
Personne ne se fera shooter gratuitement dans cet article, même si c’est tentant…
Photographe de sport, un métier, une passion
Être photographe de sport, pour celui ou celle qui aime le sport et les sportifs, c’est du pur bonheur ! La plupart du temps, je prends beaucoup de plaisir sur les terrains de sport. Pour autant, est-ce que le job de photographe de sport est une partie de plaisir à coup sûr ?
La réponse est : NON ! Parfois c’est une vraie tannée !
Bon j’exagère un peu, mais c’est pour vous donner envie de lire la suite de mon histoire. 😉
Parfois, la photo de sport c’est… comment dire… heu… grave relou ? Ouais c’est bien ça, c’est relou.
Si vous avez voté pour les réponses 1 et 3… pourquoi me voulez-vous du mal ?
Si vous avez répondu la 4ème réponse, c’est faux, mais ça aurait très bien pu être vrai. Sachez que je cours très vite. Ça ne sert à rien en photo, donc je ne me la pète pas, mais quand même… 🙂
La vraie bonne réponse était la N°2 : je n’ai pas pu accéder à la piste pour photographier la compétition…
Quand je parle de piste, c’est au sens propre. Mais dans le terme, j’englobe l’ensemble des secteurs de compétition accessibles aux sportifs et accessoirement aux photographes.
Vous allez me dire : « tu n’as pas pu accéder à la piste, mais tu as quand même réussi à faire de merveilleuses photos ( ici et ici) de ces championnats ? » #jerentreplusdansmeschaussettes
J’ai pu photographier, deux jours durant, ces championnats de France parce que justement j’ai pu accéder à la piste et évoluer au milieu du gratin français de l’athlétisme.
Le gars il dit qu’il n’a pas pu et maintenant il nous raconte qu’il y était ? #barjo
En fait, parfois j’y étais et d’autres fois je n’y étais pas. Tout s’explique ne vous inquiétez pas. 😉
Oui je sais, je suis un peu flou comme gars…
J’ai fait de ces championnats de France mon premier objectif de l’année en photo de sport. Je suis donc logiquement passé par la case « demande d’accréditation ». J’ai tremblé jusqu’au dernier moment, parce que je n’étais pas sûr de l’obtenir. Sur ce type de compétition, il y a beaucoup de photographes. Bien que la couverture médiatique reste limitée au final…
Mais cette accréditation je l’ai eue !!! Le plus dur était fait. Du moins c’est ce que je croyais…
Quelques dizaines d’heures avant le top départ pour 2 jours intensifs de sport, je fais un petit tour sur Facebook et là c’est la cata… Je me rends compte que nombre de mes contacts photographes seront présents aussi…
N’y voyez pas là de la jalousie de ma part. Je connais le système des accréditations et voir autant de photographes accrédités, c’était pour moi annonciateur de problèmes à venir…
Moi quand je reçois officiellement mon accréditation !
Début des hostilités !
Une heure avant le top départ de la compétition, tous les photographes sont conviés en salle de presse pour un briefing obligatoire, avec le représentant de la presse, que l’on nommera JP.
La salle est petite et l’ambiance y est un peu trop feutrée à mon goût… Nous sommes assez nombreux, mais moins que je ne le craignais en arrivant.
Cette réunion sert à montrer les zones accessibles aux photographes et passer les consignes de sécurité. JP nous guide sur la piste, pour identifier les endroits où on peut se placer et ceux qui sont interdits. Pas question d’y poser un pied ni même un bout de monopode sous peine de se faire engueuler ou même virer de la partie.
Le but ultime du briefing est de déterminer qui seront les photographes accrédités sur la piste. Sachant que les autres n’auront qu’un accès réduit autour de la piste et dans les tribunes. JP n’est pas qu’un simple représentant de la presse, c’est l’Empereur.
Au retour en salle de presse… l’ambiance est lourde. La marche de l’Empereur a jeté un froid sur les consciences. JP est assis au milieu de la pièce mal éclairée, l’Empereur est passé du côté obscur. Devant lui, une table… où repose deux tas de chasubles : les roses et les bleues.
Ce sont les roses qui donnent accès à la piste. Fort de cette information, je n’ai qu’une envie : voir la vie en rose.
Les photographes se rassemblent pour le briefing et suivre les conseils du guide suprême… enfin JP quoi. 🙂
Les seules personnes qui respirent dans la salle, sont les détentrices de la carte de presse. Comme je ne la possède pas, je ne fais pas le fier et la pression monte d’un cran. Ce que je redoutais va peut-être m’éclater en pleine face…
Il y a dix chasubles roses à attribuer pour seulement cinq photographes de presse présents dans la pièce. Un nouvel espoir… La Force est avec moi et je fais corps avec la Force ! #starwars
La joie est de courte durée, les cinq premières chasubles sont en effet distribuées, mais JP nous apprend que les cinq suivantes ne seront pas tous attribuées. On attend des photographes en retard et d’autres qui pourraient potentiellement arriver. Il met de côté trois chasubles en cas de besoin. Il ne reste plus que deux chasubles à attribuer…
Dans la pièce, il y a des photographes pros et des photographes amateurs. La pression est forte… Quelques personnes abdiquent et prennent un chasuble bleue. C’est moche, mais je leur en suis reconnaissant.
Il reste deux chasubles pour quatre photographes. L’étau se resserre ! JP, de son œil sadique, nous propose de combattre à mains nues sur un ring, pour déterminer les deux vainqueurs.
Nan je déconne… je voulais juste détendre cette atmosphère de plus en plus pesante…
Pour accéder à la piste, il y a beaucoup de prétendants pour peu d’élus. Il faut parfois se confronter aux autres pour accéder au strapontin !
Après une courte concertation entre photographes, je me retrouve avec cette chasuble rose tant attendue. J’ai même pu choisir mon nombre fétiche, le fameux 23. Mais je sais déjà que je vais devoir le céder à un moment donné… Mentalement, ce n’est pas quelque chose de simple à gérer.
Je me mets déjà assez de pression tout seul quand je pars sur une telle compétition. Là c’est le grain de sable qui vient enrayer ma bonne dynamique, mais je fais avec.
La compétition démarre, j’essaye de penser à autre chose. Je me concentre sur mon objectif principal : faire des bonnes photos de sport !
Mais je ne peux ignorer mes collègues photographes accoudés aux barrières, quelques mètres derrière moi. Cette situation ne me plait pas du tout… Ça n’aurait pas été pire si on avait jeté un bout de viande dans une cage pleine de lions affamés…
J’ai fini par l’avoir… cette satanée chasuble…rose !
A peine deux heures et quelques après avoir enfilé le chasuble, je dois céder mon numéro 23 pour rejoindre les autres bannis…
Je m’étais dis avant la compétition que si je ne pouvais pas accéder à la piste, pas question pour moi de rester sur place. Heureusement… je suis revenu à la raison. Je ne pouvais pas rater une si belle compétition.
Étonnamment, cette « sortie » m’a fait du bien et j’ai pu me concentrer pour de bon sur la compétition, avec quelques images sympas à la clé. C’était plus difficile de travailler dans ces conditions, mais ce challenge m’a remis sur les rails.
Finalement, seul mon orgueil a été impacté par cet épisode…
Autour de la piste c’est bien, mais sur la piste c’est quand même autre chose !
Depuis ma position arrière, j’observe le ballet des tractations entre photographes, pour accéder au Graal : la fameuse chasuble rose. On se croirait dans Koh Lanta. Ça négocie à tout va, il y a des manigances, des opérations séduction, quelques coups de gueule… Bref, il y a de l’animation.
Ce petit jeu cruel fait ressortir l’instinct de survie de l’homme et donc des choses pas très belles. Moi le premier… je plaide coupable.
Je voyais untel sur la piste avec la chasuble alors qu’il n’a pas de statut pro. Un autre a le statut, mais n’était pas présent comme moi deux ans auparavant pour la même compétition. Sur le moment, je me dis que je mérite plus que lui d’y être, pourtant je n’ai qu’un chasuble bleu sur le dos… J’en soupçonne d’autres d’être là que parce qu’ils donnent gratuitement leurs photos à des gens sans vergogne… Bref, je les déteste tous et je me déteste aussi de penser de la sorte.
L’important, c’est de remporter le totem et d’obtenir l’immunité totale et non révocable !!! #vieillepolitique
Demain c’est loin…
Cette première journée sur les championnats de France d’Athlétisme à Bordeaux est harassante. Je me suis trainé sur les différentes épreuves six heures durant. Avec plus ou moins de dignité. Cette querelle de chasubles a parasité ma journée photo… il est temps d’aller dormir.
Le lendemain matin, je n’ai qu’un seul objectif pour réussir ma journée photo, porter du rose toute la journée ou prendre une chasuble bleue et ne plus le regretter. Il se trouve que je suis un des premiers photographes sur place, si ce n’est le premier. J’ai donc la joie d’enfiler la chasuble rose sans avoir besoin de me battre.
A partir de cet instant, mon objectif est de le garder toute la journée !
Gare à celui qui viendra m’arracher cette p##### de chasuble rose !!!
Pour atteindre mon but, pas de coups-bas, ça ne me ressemble pas. Il faut que je trouve une solution !
Sans le savoir, JP sera mon sauveur…
Au cours de la matinée, il désigne un autre photographe, lui aussi en rose, pour « tourner » avec moi dans l’après-midi, quand il y aura un afflux de photographes de presse sur la piste.
Alors qu’il devait le partager, le gars n’a pas lâché sa chasuble rose le samedi… Je sais qu’à partir du moment où je vais lui donner, en ce dimanche, c’est foutu pour moi.
Quelques dizaines de minutes plus tard, j’aperçois mon binôme désigné. Il est en… bleu, il s’est fait subtiliser sa chasse gardée. Il va certainement vouloir se rattraper, en me faisant la même chose en guise de représailles.
Je le vois s’approcher de moi. Je ne donne pas cher de ma peau. Incroyable mais vrai ! Il me propose d’échanger nos chasubles pour une seule et unique épreuve : le saut en hauteur. Et bien… sachez-le, il n’est jamais venu réclamer le chasuble pendant cette épreuve.
J’ai pu finir la journée en rose, pour mon plus grand plaisir !!!
A l’instar de Pascal Martinot-Lagarde, j’ai du m’arracher pour l’emporter face à mes « adversaires » du jour !
Épilogue
Comme vous l’avez lu, la vie du photographe sportif n’est pas toujours de tout repos. C’est aussi ce qui fait l’intérêt et l’essence de cette discipline.;)
Mon partage d’expérience, au travers de cet article, a pour principal but de vous faire découvrir les coulisses du monde de la photo, le tout enrobé d’une petite dose d’humour.
Mes péripéties lors de ces championnats de France résument bien la situation actuelle de la photo de sport.
- Il y a peu de places pour beaucoup de prétendants
- Le monde amateur grignote petit à petit des places dans les accès aux grandes compétitions
- Les pros qui vivent de la photo de sport sont de moins en moins nombreux
- Il n’y a plus vraiment de hiérarchie. Certaines personnes savent rester à leur place en ne marchant pas sur les plates-bande des pros. D’autres n’ont pas cette présence d’esprit et sont prêtes à donner des photos, lécher des bottes et passer devant tout le monde
En tant que pro, mais non détendeur d’une carte de presse, je n’accepterais pas de passer devant ceux qui la possède. En revanche, j’ai plus de mal à accepter de céder ma place à des gens qui ne sont pas pros. Ça ne me dérange pas du tout de partager le gâteau, mais seulement si je peux, moi aussi, manger mon morceau.
Petite pause douceur avant de clôturer définitivement cet article
Je comprends ceux qui rêvent, comme moi, d’être présents sur des grandes compétitions sportives. Les pros aiment détester les amateurs, mais il est difficile de totalement les blâmer. Ils ont raison d’essayer, c’est aussi comme ça qu’on fini par y arriver.
En tant que photographe, ma place est privilégiée. J’assiste aux sacres de sportifs et sportives que j’apprécie et je partage aussi la douleur de ceux qui échouent. Je comprends que ce job fasse envie et j’aimerais que mon blog créé des vocations en ce sens. Mais à l’instar du photographe animalier qui se doit de respecter la faune et la nature, le photographe de sport ne doit pas chambouler l’écosystème déjà en place.
Laissez les pros travailler ! Ne donnez pas vos photos gratuitement, quelque soit la bonne raison ! Ne court-circuitez pas les pros ! Si un jour vous êtes meilleurs qu’eux, vous pourrez les détrôner loyalement. La victoire n’en sera que plus belle !!!
Vendre une photo c’est facile ! Obtenir une accréditation c’est jouable ! Obtenir une publication ou même une couverture, c’est facile… si on ne vend pas la photo.
Visez plus haut, battez-vous pour être le ou la meilleure des photographes de sport et vous aussi vous l’aurez mérité… votre chasuble rose !!! 😉
j’adore ton humour!!! je n’aurais jamais soupçonné ces démêlés en coulisses pour accéder aux premières loges de compétions sportives!!
un petit conseil, la prochaine fois, fais toi suivre un petit pot de teinture rose et ni vu ni connu, trempe la chasuble bleue dans la teinture rose!!! par contre, fais gaffe il y a un espion chez les chasublés bleus, c’est même le très célèbre agent 007!!!
au fait, courir vite peut être très utile pour un photographe dans certaines situations!!! et j’ai croisé Christophe Lemaître, il t’attendait dans le vent sur la piste!!
bonne continuation dans ta voie et je te souhaite de voir la vie en rose le plus souvent possible!!
Merci beaucoup. 😉
Tant mieux si mon humour passe pas trop mal alors. C’est jamais évident. 😉
Y a que sur les grosses compétitions qu’on rencontre ce genre de désagrément, mais ça va c’est pas non plus très grave au final. 🙂
Bonjour Mickaël…
Merci pour cet excellent retour d’expérience. Difficile de ne pas pouvoir se concentrer complètement sur ses photos… Le mieux, je pense, serais de n’accorder aux premiers accrédités que des chasubles mauves ( en passant, pas couleur rose pour moi 😉 un problème de balance des blancs ou tu es daltonien ! ) afin de laisser travailler chacun son reportage l’esprit libre ! tant pis, plus de déçus, mais ça gagnerai en sérénité… Félicitations pour tes images ! Une dernière question nous taraude tous quand même : « Tu as pu vendre tes images ?…
Je suis daltonien, pour moi le mauve ça n’existe pas.lol
La priorité doit être donné aux photographes de presse, mais après difficile de dire qui doit être prioritaire ou non j’avoue.
C’était un handicap, mais j’ai pu bosser notamment pour l’Est Républicain. 😉
Merci à toi !
Les accréditations me font parfois vomir comme tu le soulignes il n’y a pas de hiérarchie. Pourtant certains ont une obligation de résultat(s) quand d’autres n’ont aucune obligation.
Ça fait rager et ça donne envie de rester à la maison ou d’aller ailleurs.
Les amateurs veulent porter la chasuble pour flatter leur égo mais aujourd’hui ils ne savent pas commencer petit et couvrir de petites compétitions pourtant passionnantes.
Parfois sans le vouloir ils font de l’ombre parfois c’est de la bêtise pour flatter un égo gonflé à coup de like et RT sur une publication qui dit :
« Je fais la couv’ de tel magazine »
La concurrence est rude, mais il faut aussi voir les choses dans leur ensemble. Pour les mecs qui ont une carte de presse, les photographes indépendants n’ont pas grand chose à foutre sur les grandes compétitions non plus.
En dehors de quelques cas particuliers, je pense qu’en informant les gens on pourra limiter les abus que l’on constate régulièrement aujourd’hui dans le domaine. En tout cas j’y crois. 😉
Merci pour ton commentaire !
Décidément je préfère continuer à photographier les petites fleurs de mon jardin !!! LOL ! C’est moins stressant et beaucoup plus calme ! Bon courage pour la suite de ton sacerdoce, Mickaël … et amitiés photographiques !
C’est plus calme c’est sûr, mais parfois une petite montée d’adrénaline c’est pas non plus désagréable. 😉
Merci d’être passé !